Convention de prêt à usage et bail rural : une frontière parfois tenue.
La frontière entre les conventions de prêts à usage et les baux ruraux soumis au statut du fermage est parfois quasi inexistante, et ne résiste pas à la requalification que le juge peut être tenu d’opérer.
En matière de bail rural, les critères de qualification sont les suivants :
- Une mise à disposition
- D’un immeuble à usage agricole
- A titre onéreux
La Cour de cassation a pu apporter un certain nombre de précisions sur ce caractère onéreux, et l’arrêt rendu le 24 avril 2013 (Cass. 3è civ., 24 avril 2013 n°12-12677 publié au bulletin) en est une nouvelle particulièrement intéressante.
Des propriétaires avaient mis à disposition des parcelles de terre à un exploitant, par une convention qualifiée de prêt à usage. S’agissant d’un prêt à usage, il devait être gratuit.
Puis, ce contrat avait été remplacé par un « bail de droits à paiement unique en accompagnement d’un bail foncier ».
A l’expiration de la durée du contrat, les propriétaires ont souhaités reprendre leurs parcelles.
L’exploitant ne l’entendant pas de cette oreille, ils ont été contraints de saisir un tribunal afin de demander son expulsion.
Pour se défendre, l’exploitant a alors tenté de faire valoir que ce contrat devait être requalifié en bail rural (et donc que la procédure de résiliation qui aurait dû s’appliquer n’avait pas été respectée), puisqu’il consistait en une mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue d’y exercer une activité agricole, au sens de l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime.
Le litige portait sur le caractère onéreux de la convention.
Pour rappel, lorsqu’ils n’étaient pas activés pendant deux ans, les DPU étaient perdus et affectés à la réserve nationale (art 15 du règlement n°1120/2009 de la Commission du 29 octobre 2009).
Or selon l’exploitant, en activant les DPU, ceci permettait aux propriétaires de ne pas les perdre, ce qui devait être considéré comme une contrepartie onéreuse.
La cour d’appel de Nancy n’avait pas accueilli cette analyse, considérant que « la préservation des » DPU au bénéfice des propriétaires « n’est pas de nature à constituer une contrepartie onéreuse de la mise à disposition des terres ».
Dans son arrêt du 24 avril 2013 la Cour de cassation, qui ne pouvait que contrôler l’application de la règle de droit puisqu’il n’est pas dans ses attributions de porter une appréciation souveraine des faits, valide cette analyse et approuve la cour d’appel.
Cette décision va dans le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation puisque d’une manière générale, pour caractériser la contrepartie onéreuse d’une convention elle exige une dépossession de l’exploitant au profit du propriétaire.
Ici, quand bien même en activant les DPU il apportait un avantage aux propriétaires, l’exploitant ne se dépossédait de rien.
C’est ce qui semble conduire les juges à considérer qu’il n’existait pas de caractère onéreux en l’espèce, et à ne pas prononcer de requalification de la convention en bail rural.