Aides bio – Plafonnement rétroactif: le Conseil d’Etat tranche
A la suite de la dernière réforme de la PAC, le ministre chargé de l’agriculture, en son temps Stéphane LE FOLL, avait fortement incité les exploitants agricoles à s’engager dans des démarches bénéfiques pour l’environnement.
Notamment, les exploitants avaient été poussés à souscrire des mesures agro-environnementales, ou à convertir leur exploitation au mode biologique, des régimes d’aides spécifiques ayant alors été mis en avant.
Un certain nombre d’exploitants agricoles ont donc profité de ces aides pour convertir leur exploitation à l’agriculture biologique, et nombreux ont été ceux confrontés à un plafonnement, après coup de ces aides.
C’est le cas de différentes affaires suivies par le cabinet.
En l’espèce, les exploitants ont déposé une demande d’aide à la conversion à l’agriculture biologique en 2015. Il s’agissait, non seulement de se convertir au biologique, mais aussi de changer les productions des exploitations pour produire de la semence potagère.
Selon la notice, si dès le dépôt de la demande d’aide les exploitants respectaient le mode biologique, ils se verraient allouer une certaine somme d’argent par hectare, destinée à les aider à faire face aux dépenses inhérentes à cette conversion. Pour les exploitations concernées, les investissements ont donc été déterminés en fonction des montants d’aides projetés.
Néanmoins, l’Etat a été relativement long à instruire ces demandes, puisque les décisions d’octroi ne sont intervenues que fin 2018.
Dans l’intervalle, le préfet de région avait décidé que les aides seraient plafonnées par exploitation, et un décret du 21 août 2017 était venu valider ce plafonnement.
Ce décret a été contesté devant le Conseil d’Etat.
Pour les exploitants, dès lors que la notice des aides ne faisait état d’aucun aléa et imposait la conversion au biologique dès le dépôt de la demande, leur situation devait être regardée comme juridiquement constituée à la date du dépôt de la demande. Par conséquent, l’Etat ne pouvait décider d’un plafonnement de ces aides de manière rétroactive.
Or, pour le Conseil d’Etat il n’en est rien (CE, 24 juin 2019, n°415205).
Pour les juges, la situation des exploitants n’est juridiquement constituée qu’à la date à laquelle le préfet prend la décision d’octroi de l’aide, de sorte que les retards d’instruction permettaient à l’Etat de décider de ce plafonnement.
Cette décision est particulièrement décevante et dans ce contexte particulier, une toute autre solution aurait pu paraître justifiée, à savoir :
- Considérer que parce que les obligations devaient être respectées à la date de dépôt de la demande, la situation juridique devait être regardée comme constituée et l’Etat ne pouvait donc décider du plafonnement rétroactif.
Il n’en est rien ce qui est une fois encore l’occasion de rappeler aux exploitants qu’en matière de subventions agricole comme par ailleurs, « les promesses n’engagent que ceux qui y croient », même si ces promesses proviennent de l’Etat.